Poussons mamie dans les Orties !

Nash :: repeat entrepreneur
9 min readJan 18, 2021

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Texte paru une première fois le 4 janvier 2021 -

« On a toujours fait comme ça ! », « Ne mettez pas la charrue avant les bœufs ! », « Il ne faut pas pousser mamie dans les orties ! », « Tout vient à point à qui sait attendre ! »…

Autant de phrases que l’on pourrait aisément coller à la gestion de la lutte contre la pandémie par l’institution en France.

Depuis quelques années et notre passage par la Silicon Valley où nous avions appris à « désapprendre » pas mal de nos bagages européens et la quasi-totalité de nos postures françaises, nous transmettons aux entrepreneurs que nous accompagnons, des notions hyper simples et que certains de nos mentors chez The Refiners appelaient la « méthode BSP » (pour « bon sens paysan »), afin de toujours chercher à accélérer les validations par le marché, à tangibiliser rapidement grâce à du prototypage même sommaire, à aller au plus vite au contact des clients, parce qu’il n’y a rien de plus important pour un entrepreneur que de « faire » des choses, d’embrasser son risque et de « se jeter du haut de la falaise en construisant l’avion pendant la chute ! »….

En gros, nous poussons toujours nos protégés à suivre les axes suivants : « done is better than perfect », « test and learn », « fail fast and learn fast », … et l’on pourrait en sortir des tonnes du même tiroir !

A l’heure de l’urgence sanitaire, et après les gestions chaotiques (j’aime les euphémismes !) des approvisionnements de masques et des déploiements des tests, nous jugeons maintenant et à nouveau sur pièce la lourdeur et l’arrogance de l’administration et des instances dirigeantes de notre pays.

Ou comme le dit mieux que moi Antoine Levy dans le Figaro du 1er janvier, « L’ampleur surréaliste de l’échec français interroge ; elle ne devrait pourtant pas surprendre. La lenteur de la campagne de vaccination française, n’est que la suite logique de notre gestion des masques, des tests, du traçage, de l’isolation. C’est le symptôme d’un déclassement et d’un appauvrissement organisationnel et technologique effarant. C’est aussi le produit de l’arrogance d’un État imbu de lui-même et imperméable à la critique, de la suffisance d’une administration et d’une classe politique auto-satisfaites, boursouflées, et incapables de la dose d’humilité nécessaire pour faire machine arrière et s’inspirer simplement de ce qui fonctionne ailleurs. »

Qu’il s’agisse de l’Etat ou des individus, tout peut être résumé à une question de posture : culte du risque zéro, principe de précaution, absence de sens de l’innovation, silos, autoprotection ou sens de survie des décideurs politiques, etc. tout concourt depuis trop longtemps à un immobilisme, à une incapacité à « faire » et nous pousse chaque instant vers un « on a toujours fait comme ça » emblématique de la peur panique de ceux qui ont les moyens de décider dans ce pays ! Et qui pourrait donner le la, montrer l’exemple et prendre le risque de la nouveauté, de l’innovation ou tout simplement de faire « différemment » en suivant des logiques pratiques, utiles et efficaces.

En revanche nous excellons toujours dans la réflexion, le débat et l’organisation du débat. Et puis évidemment, dans l’élaboration de process et la ponte de recommandations. Là, la France est sur la première marche du podium mondial.

Lors du premier confinement, nous faisions déjà ce constat. On pouvait lire dans les pages du Nouvel Economiste « La crise a déchiré le masque, laissant apparaître une réalité jusqu’ici insoupçonnée. “Nous vivons dans une fausse impression de préparation face aux crises. Ce qui est vrai pour les pandémies l’est pour toutes les autres formes de menaces : terroristes, industrielles, naturelles. Cette crise sanitaire sans précédent est aussi celle de l’inorganisation, tant il est vrai que la coopération et la coordination sont demeurées les maillons faibles de sa gestion”, analysent Olivier Borraz et Henri Bergeron, chercheurs CNRS au Centre de sociologie des organisations, dans un article publié sur le site AOC »

La France, son système de santé exemplaire, son tissu industriel pharmaceutique parmi les plus puissants du monde, ses champions des vaccins, son ambition dans les biotechs… comment a-t-on pu en arriver à ce constat d’échec total durant cette crise ? (et nous parlons bien de la France et non pas d’un courant politique au pouvoir, car il est clair que le mal se situe plus dans l’administration que dans les instances dirigeantes élues, même si elles endossent une part de cet échec !)

Qu’est-ce qui nous permet même de dire cela ? Le chemin que nous empruntons toujours pour parvenir « in fine » à une solution « simple et évidente » est systématiquement le même : nous partons du concept incompréhensible, que nous déployons, la plupart du temps dans le déni, pour peu à peu, revenir, sous le feu de l’usage et de la raison, à ce qui tombait a priori sous le sens dès le départ !

Nous partons, par exemple, du document de près de 50 pages sur la vaccination prioritaire et ciblée dans les Ehpad (qui comporte son lot d’absurdités), pour sans doute arriver dans quelques jours à un changement de stratégie totale pour nous diriger vers une ouverture de la vaccination de masse autorisée dans les pharmacies, des stockages dans les cuisines fermées des restaurants ou une vaccination sur le lieu de travail -que sais-je encore ?… alors même que l’on aurait pu prendre ces décisions pour des solutions rapides, dès la réception des premiers vaccins. Pour que même le président du Sénat, Gérard Larcher, qualifie le document destiné aux Ehpad « d’éthique incompréhensible », c’est tout dire !

Prenons aussi le débat sur « qui » peut ou non faire un vaccin…. Regardons de plus près le fait que l’on ne souhaite pas injecter nos concitoyens d’une première dose sans avoir la certitude de pouvoir leur administrer leur seconde piqûre ! Demandons-nous aussi comme le fait Antoine Levy, pourquoi c’est le ministère de la santé que l’on mandate pour faire de la logistique, avec pour conséquence la foirade prévisible que l’on observe, puisque ce n’est pas sa fonction ?

Tout cela alors que les enjeux sont énormes : comme le dit le président de l’AFEP, Laurent Burelle, dans les pages des Echos du 6 janvier, et comme nous le sentons tous très logiquement, « la vitesse à laquelle la campagne de vaccination sera menée conditionne la reprise économique et la confiance des acteurs : c’est un enjeu de compétitivité majeur. Le premier pays occidental qui aura atteint ses objectifs de vaccination lèvera les contraintes sanitaires et gagnera des semaines ou des mois de croissance et de gains de compétitivité et de coûts pour les finances publiques. »

Il serait donc de bon aloi que nous allions vers des solutions simples, faciles, efficaces comportant une certaine marge d’erreur, peut-être, mais tolérable, si l’on souhaite éviter, comme le croit fermement Patrick Artus dans le Monde du 5 janvier, un 3ème, un 4ème voire un 5ème confinement et des pertes colossales de PIB, d’emploi et une augmentation sensible de la dette déjà énorme de nos entreprises.

Ces imperfections, ces biais culturels, cette absence totale de capacité qu’a l’appareil administratif français à se remettre en cause, à innover à se réinventer est certes inadmissible, mais ce n’est malheureusement pas un trait propre ni cantonné au secteur public.

J’en veux pour preuve l’exemple absolument similaire que nous venons de vivre dans une grande banque Française.

Comme vous le savez sans doute, Light Me Up accompagne l’innovation, où qu’elle se trouve, et souvent par le biais de méthodes d’intelligence collective.

Nous avions engagé des discussions pour lancer des ‘Design Sprint’ sur un sujet urgent d’innovation pour une banque de détail. La méthode du Design Sprint, parfaitement adaptée à la résolution de problèmes business, à l’amélioration de process et même au lancement de nouveaux produits et services (le tout en moins d’une semaine, passant de la page blanche au tests clients grâce au prototypage rapide), était validée comme solution parfaite pour répondre dans les délais à l’urgence.

Nous étions par ailleurs à même d’assurer la prestation dans les conditions actuelles, via visio-conf et des outils adéquats que nous maîtrisons parfaitement. Le prix, lui, n’était pas un problème.

La réponse qui nous a été donnée fut la suivante : « nous avons trouvé une cellule interne qui connaît ces méthodes. Bien que cette cellule nous ait annoncé qu’elle n’était pas capable de la délivrer « à distance », nous préférons pour respecter nos process, commencer avec elle, puis, après l’échec interne, reprendre le projet avec vous ».

Toute la posture Française est résumée là, à l’exception de quelques âmes d’entrepreneurs, coincée entre gestion Covid et gestion de projet dans les grandes institutions ou les grands groupes du CAC40.

Préférer la voie de l’échec annoncé, sous prétexte de préférer le respect du process à l’efficacité ! On marche sur la tête. Aucun raisonnement, logique, temporelle, économique, humain, ne justifie ces réactions… seule la culture, l’habitude et le statu quo en sont l’explication !

Comment, dès lors, sortir des ornières politiciennes, accepter la remise en cause à tous les étages, se donner les moyens d’innover, de faire émerger les bonnes idées (même depuis l’échelon le plus bas des structures) ?

Comment envisager l’administration comme un vecteur utile et performant au service de la vie professionnelle et personnelle, au service des entreprises, au service du plus grand nombre sans une totale réinvention ?

Comment envisager que les efforts de promotion de l’innovation dans les grands groupes, via des programmes d’intrapreneuriat, de mise à plat du management, et de beaucoup de com interne, ne soient pas vains face aux montagnes de process et d’habitudes ?

On pourrait d’ailleurs reprendre le fameux « culture eats strategy for breakfast » pour illustrer le besoin fondamental que l’on a, dans ce pays, de faire plus que de la simple pédagogie sur des thèmes comme « la gestion du risque », par exemple. Car si l’on veut parler « stratégie d’innovation », il faut avoir sacrément déblayé le terrain culturel interne avant toute chose !

Nos certitudes héritées d’un temps que les moins de 70 ans ne peuvent pas connaître, nous poussaient déjà au constat que faisait, en juin 2020, Luc Rouban dans les pages du Nouvel Economiste, au sujet de la crise sanitaire : “Ce n’est pas un échec ordinaire, c’est un désastre digne de 1940, non pas dans son ampleur mais dans sa signification politique et sociale : un pays convaincu de sa modernité découvre brutalement son archaïsme”

A l’heure où l’on nous rabat les oreilles à longueur de journée avec « les intelligences multiples », le management participatif, à l’heure où la prise de conscience de l’impérieux besoin de formation et de mise à niveau des collaborateurs des entreprises se fait sous la contrainte des pressions techniques et RSE, pourquoi n’a-t-on jamais pris à bras le corps le gros problème de la « culture d’entreprise » pour y injecter un peu de « culture de l’entrepreneur » ?

Non pas que nous soyons tous des entrepreneurs ou que nous dussions tous le devenir : loin de là ! Ces généralisations hâtives et sans fondement font le lit des nivellements par le bas et le fonds de commerce des populistes. Mais simplement que nous puissions par l’injection de ces postures, changer l’appréhension du risque, dynamiser la prise d’initiative, laisser fleurir le leadership (« non syndical », ça nous changera !), et in fine, créer de la valeur pour tous : l’entreprise, les salariés et donc la société en général…

A l’heure où les entreprises de toutes tailles se cherchent des « missions » à inclure dans leurs statuts, peut-être serait-il bon qu’elles jettent un œil aussi à leurs fondamentaux culturels, terreaux des habitudes, des lourdeurs et des immobilismes dont nous parlons ici.

Nous croyons, chez Light Me Up, que ce sont les entrepreneurs qui changent le monde.

Nous mettons cette conviction au crédit de la posture des entrepreneurs vis-à-vis des éléments que l’on vient d’évoquer : le risque, l’innovation, la création de valeur, mais aussi de tant d’autres qui émergent heureusement depuis quelques années comme la raison, l’équité, la durabilité, la cause environnementale, la responsabilité, l’impact sous toutes ses formes, etc…

Les entrepreneurs ne sont pas la solution à la gestion de la logistique des vaccins en France, mais leur posture, leur agilité et leurs solutions doivent être observées et comprises, leurs idées entendues et écoutées, et leur attitude, imitée.

Les entrepreneurs vont changer le monde. Faites passer l’info à nos dirigeants.

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